Williver Jackenwells, ancien Ministre de la Santé et actuel Grand Conseiller, passa la carte d'accès, composa de nombreux codes, apposa son index, se fit lire son empreinte rétinienne, et la porte s'ouvrit. On était jamais assez prudent.
-Que me vaut l'honneur de cette visite, Williver ? s'exclama la voix fatiguée et éraillée du professeur en se tournant vers le borgne.
De mauvaises nouvelles, Ning, de mauvaises nouvelles.
Le scientifique détourna la tête et posa la machine qu'il tenait dans les mains sur son plan de travail. Il fit claquer sa langue.
-Tu sais bien que je ne m'estime plus digne de porter un nom, Williver.
Allons, tu en es encore à ce stade ?
-Oui, toujours, répondit-il sèchement.
Mmh... je te trouve une bien mauvaise mine.
-Je passe mes journées enfermé dans un labo souterrain sur un projet qui n'avance pas, ça t'étonne ? siffla le scientifique.
Le projet n'avance pas ?
-Non, en plus tu apportes de mauvaises nouvelles.
En effet. Nous n'avons plus qu'un seul positif.
-Comment ? s'exclama le scientifique. Mais... qu'est-ce que...
Le Pr. Ewhel force un peu trop sur les doses. Agathe est morte la semaine dernière.
-Mince... c'est pas bon du tout ça...
Il se jeta sur un fauteuil étrangement positionné au beau milieu de la pièce et se massa le haut du crâne au travers de ses épais cheveux. Silencieux, il réfléchissait au moyen pour terminer le projet le plus efficacement dans un minimum de temps. Ca commençait à traîner et les positifs se faisaient de plus en plus rare dans la cité.
Tu devrais te couper les cheveux, enonça Williver pour briser le silence.
-Mes cheveux sont très bien comme ils sont. Je n'ai pas besoin de me pavaner contrairement à toi, Monsieur le Grand Conseiller.
Le borgne émit un rire grinçant.
Ca t'aigri de rester seul comme ça.
-Heureusement il m'arrive d'avoir de la visite, une fois tous les deux ans ?
Je passe tout les six mois, corrigea Williver.
-Hum... Le temps s'allonge par ici bas...
Un silence plana à nouveau mais fut rapidement brisé.
-Comment va mon fils ?
Lequel ?
-Le légitime, grogna le scientifique. Tu sais très bien que je n'ai jamais vu les autres.
Certes... Eh bien, il vit toujours chez cet ancien ami à toi, Thompson il me semble.
-Mmmhgg...
Nouveau silence.
-Est-ce que... je peux voir Nina ?
Tu sais bien que non.
-Mmghghggg...
Ne fais pas cette tête-là. D'ailleurs je trouve que tu as pris un sérieux coup de vieux.
-Normal, j'ai vraiment pris un coup de vieux.
Pardon ?
-Un effet secondaire.
Un effet secondaire ? Mais un effet secondaire à quoi ? commença à s'emporter Williver. Tu t'es injecté un sérum prototype ?
-Je n'ai plus de cobayes ! Il faut bien que je vois si ça marche !
NE REFAIS PLUS JAMAIS ÇA ! JAMAIS !
Williver avait attrapé le scientifique par les épaules et l'avait vivement secoué.
Tu... tu ne te rends pas compte que nous avons besoin de toi ? Que J'AI besoin de toi ? Que RAINBOW a besoin de toi ?
-D'accord... d'accord... murmura le scientifique un peu ébranlé.
J'enverrais faire une descente dans le quartier sud histoire de récupérer deux-trois anarchistes sur qui tester tes sérums... même si c'est moins efficace qu'avec les positifs.
-Oui... merci...
Nouveau silence.
-Williver... Répond-moi franchement... Pourquoi suis-je enfermé ici ?
Tu sais très bien pourquoi.
-Des tas de raisons se bousculent dans ma tête, je veux juste connaître la raison principale.
Il n'y a pas de raison principale, c'est justement le fait de l'accumulation de tout un tas de raison. Je sais que tu le sais.
-Oui...
Le scientifique baissa les yeux un instant. Il se demandait quelle aurait été sa vie si tout cela n'était jamais arrivé. Il avait été naïf et crédule, maintenant il n'était qu'un monstre.
Arrête de tirer cette tête.
Il ne répondit qu'avec un léger grognement. Williver soupira.
Quand tu fais cette tête là, tu me rappelle cette époque... Tous les trois, avec Alonzo... quand Vikerkaar était encore au pouvoir.
Le scientifique émit un rire amer.
-Ne me fais pas rire en prenant ce ton nostalgique, c'est toi qui a laissé mourir le Roi.
Disons juste que le temps que les secours arrivent il serait déjà mort, il ne fallait pas les déranger pour ça ? répondit-il d'un ton mutin. Et puis c'était une opportunité à saisir. Le nouveau Roi est bien plus compétent.
-Tu parles, rigola doucement le scientifique.
Un silence remplit de souvenirs s'installa. Williver le brisa avec un long soupir.
Bien, je vais te laisser travailler.
-C'est cela oui.
A dans six mois.
Le scientifique ne répondit pas et les pas du Grand Conseiller s'éteignirent derrière le claquement de la porte.
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